jeudi 18 juin 2020

En réponse au Syndicat des Vignerons de l'Aude et en soutien à la FNE, ECCLA et la Confédération Paysanne







                                   
Il faut ne pas avoir souvent sulfaté une vigne au pays du vent pour oser sous-entendre que les nuages de pesticides pulvérisés par hélicoptère puissent sagement s'arrêter, à l'instar des radiations de Tchernobyl, à bonne distance des clôtures de nos jardins et des fenêtres de nos chambres.

Dans votre courrier, vous opposez écologistes et agriculteurs, comme si les agriculteurs n'étaient pas eux-mêmes soucieux de protéger leur santé et celle de leur famille. Vous opposez écologistes et agriculteurs comme si ces derniers n'étaient pas les premières victimes non seulement de l'intoxication aux pesticides mais aussi de la crise climatique qui touche notre département de plein fouet et dont ce printemps anormalement pluvieux n'est qu'un signe supplémentaire.

Le mildiou fait des ravages et il n'y a pas un habitant de notre département qui ne le déplore - en dehors peut-être de certains vendeurs de produits phytosanitaires - car nous savons ce que la vie culturelle, économique, touristique, et gastronomique de notre pays doit à la vigne et aux hommes et aux femmes qui la travaillent.

Aujourd'hui, la majorité des français a bien conscience de l'importance de la protection de la nature. Les audois•es victimes de canicules, d'inondations et de grêle à répétition sont conscient•es plus qu'ailleurs de notre vulnérabilité face au dérèglement du climat.

Plus que jamais, l'heure est à l'augmentation de la résilience de nos territoires, à la maîtrise de la bétonisation galopante, à la préservation et à la création de zones vertes « tampons » afin d'atténuer localement les effets de ce changement. La crise sanitaire que nous venons de vivre a aiguisé notre conscience de l'enjeu majeur que constitue notre autonomie alimentaire. Qui peut encore croire, comme vous l'affirmez, que les écologistes veulent la mort de l'agriculture quand nous avons été les premiers à alerter sur l'importance de l'autonomie alimentaire ? Alors que ce sont les écologistes audois qui sont à l'origine du mouvement locavore dans notre pays ? Alors que nous avons initié et encouragé le renouveau des circuits-courts et du consommer local ? Alors que nous voulons plus d'emplois agricoles et que les agriculteurs vivent dignement de leur travail, notamment par une meilleure valorisation de leur production ?

La vérité, c'est que soit vous ne comprenez rien à l'écologie, soit vous ne comprenez rien à l'agriculture.

Car l'opposition entre écologie et agriculture n'est plus d'actualité. Cette opposition n'existe plus que pour servir de fond de commerce à des organisations telles que la votre.


Cessons ces divisions stériles et regardons la réalité en face. Laissons les ombres de 1940 reposer en paix. Nous ne sommes pas en guerre. Nous nous en félicitons et vous devriez en faire de même. 

Oui, la situation des viticulteurs de l'Aude est préoccupante à plus d'un titre et oui, malheureusement, il y a fort à parier que nous connaîtrons une multiplication des aléas météorologiques dans les années à venir. Persévérer dans la voie qui nous a conduits à cette impasse serait un choix irresponsable et même coupable. Des solutions concrètes existent et sont connues. Il est temps de les mettre en œuvre localement, d'accompagner la transition écologique de notre territoire, d'abandonner les postures idéologiques de l'ancien monde. Il est temps d'ouvrir les yeux, regarder la situation avec courage et de se retrousser les manches pour construire ensemble le monde d'après.