vendredi 16 novembre 2012

Réfléchissons ensemble sur la compétitivité présentée comme avatar territorial du néolibéralisme

Nous vous proposons ici un compte rendu d'une conférence sur la compétitivité avatar territorial du néolibéralisme organisée le 13 novembre par les Amis du Monde Diplomatique de Carcassonne. 
Intervenant : Gilles ARDINAT, professeur agrégé, docteur en géographie enseignant à l’Université Paul-Valéry, Montpellier III

En introduction, Gilles Ardinat nous explique que le mot compétitivité a d’abord été conçu pour et par les firmes. Puis, un glissement s’est opéré dans le discours politique s’agissant des territoires. En France, la DATAR (Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale) est devenue la DIACT (Délégation Interministérielle à l’Aménagement et à la Compétitivité des Territoires) de 2005 à 2009. Elle est redevenue depuis, la DATAR (Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Attractivité régionale).
Plusieurs définitions correspondent au mot compétitivité, mais il nous propose de retenir la plus simple qui est la capacité d’affronter la concurrence.

Le sujet est traité en 3 parties :
- L’origine de la théorie de la compétitivité
- La mesure de la compétitivité territoriale
- La compétitivité, avatar du néolibéralisme





1) L’origine de la théorie de la compétitivité
Les Etats-Unis sont le premier pays à sortir ce mot de la sphère de l’entreprise dès les
années 80. Il est alors question de compétitivité nationale. Les commissions parlementaires
comme les écoles de commerce s’en emparent et dans les années 90, Michael Porter
(professeur à Harvard) écrit une bible de 800 pages, un best-seller mondial : L’avantage
concurrentiel des nations.
Cet ouvrage qui fait encore référence dans toutes les grandes écoles de commerce du
monde, prône la compétitivité des nations et des territoires. Ce discours a trouvé un écho
très favorable au sein de l’Union européenne et des institutions internationales comme
l’OMC, la Banque Mondiale, le FMI ; ce qui a donné au mot compétitivité une forte assise
institutionnelle.
Néanmoins, il est à noter que Paul Krugman économiste pourtant libéral, a fait la critique de
la compétitivité des pays et des territoires.
Cette dernière est le prolongement du dogme libéral de la concurrence entre entreprises.
La compétitivité est un ersatz du patriotisme économique étatique, mais elle est mobilisatrice
et fédératrice. Il s’agit là d’un nationalisme compatible avec les règles libérales de l’OMC et
de l’Union Européenne à travers ses traités.
A noter que la politique des pôles de compétitivité dans les territoires a été lancée par D. de
Villepin.

2) La mesure de la compétitivité nationale
Les rapports sur la compétitivité se sont multipliés au cours de ces vingt dernières années.
Ils visent à mesurer la compétitivité des territoires.
Compte-rendu conférence du 13 nov. 2012 – Maïde MAURICE 2
Le Forum économique mondial qui réunit tous les ans à Davos (Suisse) l’élite politique,
économique et médiatique (soit 2000 personnes environ) établit un rapport sur la
compétitivité mondiale. A l’aide d’indices variés, les pays sont classés en fonction de leur
compétitivité ; un jugement fait à partir de critères propres aux entreprises. Deux types de
pays ressortent de ce classement au travers de la compétitivité prix et hors prix.
• Les pays ateliers, comme la Chine sont dans la catégorie compétitivité prix.
• Les pays haut de gamme sont dans la catégorie hors prix, pour une économie
orientée vers l’innovation, la recherche développement, la finance.
Selon Gilles Ardinat, cette approche de la mondialisation est erronée et caricaturale car des
pays émergents peuvent aussi être performants dans la haute technologie ; et inversement,
l’Allemagne qui se situe dans la 2ème catégorie, a su comprimer ses coûts du travail
aboutissant au blocage salarial, avec des salariés percevant dans certains secteurs, 4 € de
l’heure.
Il a par ailleurs identifié 3 types de compétitivité dans le discours public :
• La compétitivité néo mercantiliste
La stratégie de développement est basée sur l’exportation massive avec une
importation a minima (type Allemagne) ;
• La compétitivité liée au fait d’attirer des facteurs de production jugés positifs comme
les capitaux, les entreprises, la main-d’oeuvre qualifiée.
Ex. : attractivité des capitaux par la réduction des déficits publics.
• La compétitivité institutionnelle
Il ressort que l’OMC, l’OCDE, la Banque Mondiale ont une définition consensuelle
de la compétitivité. Pour ces organismes, un territoire ne peut connaître la croissance
économique que si elle joue le jeu du libre échange, en effaçant ses frontières.

3) La compétitivité, avatar territorial du néolibéralisme
Le dogme principal du néolibéralisme est le libre échange qui permet de s’adapter à la
mondialisation. Le libre échange s’applique désormais, non seulement aux marchandises
mais aussi aux entreprises et aux capitaux.
Des systèmes productifs, sociaux et fiscaux différents sont ainsi mis en concurrence directe.
La compétitivité prix et hors prix entérine les délocalisations passées et celles à venir. Il faut
donc accepter que certaines industries soient parties dans des pays low-cost.
Le territoire est réduit à un support physique et matériel sur lequel des infrastructures sont
installées afin que les firmes profitent de la mondialisation. Cette compétitivité
infrastructurelle des territoires (qui oblige les Etats à investir dans des infrastructures) est en
contradiction avec l’exigence d‘une fiscalité avantageuse exigée pour cette même attractivité.
En effet, pour pouvoir investir dans des infrastructures, l’Etat doit s’en donner les moyens en
utilisant notamment le levier fiscal.

• L’Etat doit augmenter la qualification du personnel pour que les entreprises aient un
bon réservoir de main-d’oeuvre.
• La législation doit être la plus favorable possible aux entreprises. L’Etat devra
procéder aux réformes allant dans le sens d’une compétitivité juridique et fiscale, en
votant des textes sur la flexibilité dans l’emploi par exemple. Où est alors la limite entre la
compétitivité juridique et le dumping ?
• Le territoire est devenu un espace d’observation économique avec ses différents
agrégats macro-économiques, comme le taux d’inflation. Il est un pur objet
économique où sont niés le culturel, le politique, l’identitaire ou l’affectif. Le territoire
est une marchandise que l’on peut marketer et coter en bourse.
De fait, les territoires eux-mêmes se vendent telles des marchandises, dans un
discours d’inspiration managériale (ex. : publicité TV actuelle de l'agglomération de
Montpellier).
La compétitivité appliquée aux territoires reprend sous une forme nouvelle, une vieille
théorie, celle des avantages comparatifs développée par David Ricardo, selon
laquelle les pays ont intérêt à se spécialiser dans une activité.

En conclusion, Gilles Ardenat se demande dans quelle mesure la compétitivité ne
constitue pas pour les dirigeants, un alibi pour justifier leur inaction ou la prise de
mesures impopulaires mais obligatoires parce que imposées par l’extérieur.

Pour aller plus loin :
ARDENAT, Gilles, Comprendre la mondialisation en 10 leçons, Ellipse 2012

Compte-rendu rédigé par Maïde MAURICE. 

mercredi 7 novembre 2012

Port-la-Nouvelle: Les écologistes inquiets pour la biodiversité des salins



Le site de Port-la Nouvelle est à l\'abandon depuis 2005.
Le site de Port-la Nouvelle est à l'abandon depuis 2005.  © J. L.

Préserver la biodiversité d'un site classé réserve naturelle régionale quand l'origine même de sa spécificité n'existe plus est le casse-tête auquel se heurte depuis de nombreuses années les salins de Port-La Nouvelle.

Pour les représentants d'Europe Ecologie Les Verts, cela n'a que trop duré et ils tirent aujourd'hui la sonnette d'alarme. Le site, qui n'est plus en activité depuis 2005, a en effet été vendu par la Compagnie des Salins du Midi au Conservatoire du littoral en 2007, grâce à un appui financier conséquent de la Région. "Une partie a été acquise par la région pour être intégrée au domaine portuaire et une autre (les anciens bâtiments) a été vendue à un particulier, mais depuis rien n'a été mis en place pour la gestion du site", explique Albert Cormary.

Le problème n'est pas nouveau, en avril 2006 (tout juste un an après l'arrêt de l'activité des Salins), Philippe Bonhoure, adjoint à l'environnement de Port-La Nouvelle déclarait : "On se retrouve avec une sorte de jachère qui va favoriser l'implantation de roselières et de plantes halophiles qui sont caractéristiques de la mutation naturelle des lagunes qui se meurent".

Ce site complexe n'a rien de naturel puisqu'il était intimement lié à l'activité humaine des sauniers. La richesse du site reposait comme pour tous les salins sur la qualité de l'eau. La gradation de la salinité permet la multiplication d'espèces différentes, la banalisation du milieu entraîne donc inéluctablement une diminution de cette diversité. Mais de saunier, il n'y en aura plus.

"L'acte de vente stipule que toute production de sel est interdite pendant 25 ans, on peut trouver ça abusif mais c'est ainsi", souligne le porte-parole local d'EELV. Concrètement, la richesse de la biodiversité est liée à la présence de plantes à caractère patrimonial et à celle, plus emblématique, de la faune aviaire."Aujourd'hui, que voyons-nous ? Côté ornithologique, c'est une désertion quasi totale et côté botanique, le constat est un peu moins désolant mais tout de même très préoccupant", reprend-il devant les anciennes tables salantes résolument vides. "Nous nous inquiétons d'autant plus qu'il n'y a rien de concret qui se profile et que les canaux sont de plus en plus bouchés", souligne Marie-Laure Arripe.

De nouvelles pistes :Il existe des activités porteuses d’avenir et créatrices de richesses


« Le devenir du site des anciens salins est du ressort des gestionnnaires de la réserve (PNR et mairie de Port-La Nouvelle), mais plus encore de l’autorité de tutelle qui est la Région. Nous nous posons vraiment la question de sa volonté politique», détaille Marie-Laure Arripe. « Si la remise totale en eau a un coût exorbitant, elle doit être envisagée partiellement dans une optique de diversification du site », analyse Albert Cormary qui a déjà pensé à plusieurs activités compatibles. « On pourrait par exemple envisager une culture de la salicorne qui est déjà cultivée dans des régions de France et exportées vers les pays d’Europe du Nord. On pourrait aussi s’inspirer de ce qui se passe à Gruissan avec la culture des micro-algues pour produire des biocarburants. Port-La Nouvelle avec son usine Lafarge, forte émettrice de CO2, pourrait être un site pilote de son piegeage dans une partie des bassins des anciens salins. Nous pensons naturellement à ceux situés près de l’usine, exclus de la réserve naturelle et propriétés de la Région », reprend-il conscient qu’il existe des enjeux très importants. « Les pistes ne manquent pas, ces activités sont porteuses d’avenir et créatrices de richesses locales et d’emplois», conclut-il.


Le site de la réserve naturelle régionale de Sainte-Lucie, qui inclut l’île et les salins, fait partie de la zone Natura 2000 « étangs du Narbonnais ». L’objectif de la constitution du réseau européen Natura 2000 est d’assurer le maintien de la biodiversité par la conservation d’habitats naturels ainsi que d’espèces de la faune et de la flore sauvages, rares, voire menacés à l’échelle européenne. Son objectif n’est pas de faire des « sanctuaires » de nature interdisant toute activité humaine. L’originalité de cette démarche est au contraire de chercher à concilier les exigences écologiques des habitats naturels et des espèces avec les nécessités économiques, sociales et culturelles des sites. La sauvegarde de la biodiversité requiert même souvent le maintien, voire l’encouragement d’activités humaines.
Une zone Natura 2000
Le site de la réserve naturelle régionale de Sainte-Lucie, qui inclut l’île et les salins, fait partie de la zone Natura 2000 « étangs du Narbonnais ». L’objectif de la constitution du réseau européen Natura 2000 est d’assurer le maintien de la biodiversité par la conservation d’habitats naturels ainsi que d’espèces de la faune et de la flore sauvages, rares, voire menacés à l’échelle européenne. Son objectif n’est pas de faire des « sanctuaires » de nature interdisant toute activité humaine. L’originalité de cette démarche est au contraire de chercher à concilier les exigences écologiques des habitats naturels et des espèces avec les nécessités économiques, sociales et culturelles des sites. La sauvegarde de la biodiversité requiert même souvent le maintien, voire l’encouragement d’activités humaines.

source:http://www.lindependant.fr/2012/11/03/il-existe-des-activites-porteuses-d-avenir-et-creatrices-de-richesses,176650.php

Rapport Gallois et mesures gouvernementales : une vision datée de l’avenir



Les arbitrages gouvernementaux rendus ce jour sur la base du rapport Gallois qui ont pour finalité de préparer l’avenir de la France et redonner de la compétitivité à notre économie, ne sont pas à la mesure des enjeux du XXIe siècle. Ils n'osent se tourner résolument vers la construction du nouveau modèle dont le pays a besoin pour affronter les nouveaux défis qui se posent à lui. 
Les arbitrages annoncés par le gouvernement ouvrent certes quelques pistes sur l’amélioration du dialogue social, la stabilité réglementaire, le financement public de l'industrie ou les crédits interentreprises, mais ils négligent l’Europe, qui constitue pourtant le cadre de réflexion pertinent aujourd’hui et pour demain. Ils oublient de poser le moindre principe de conditionnalité sociale ou environnementale des aides publiques.
Ces décisions passent à côté des enjeux énergétiques que nos sociétés vont devoir affronter, dont le coût devient chaque jour plus impactant. Elles confortent une vision essentiellement technocratique et court-termiste.A l’inverse de cette vision, Europe Ecologie Les Verts préconise une politique économique décentralisée et innovante.
Élise Lowy, porte-parole nationale d’EELV

Ceci passe prioritairement par :
-
une mutation profonde de l'appareil productif, qui prépare une économie bas carbone, qui créera les emplois durables de demain,
-
un effort majeur de formation pour accompagner les entreprises et les salariés dans cette transition,
-
le développement volontariste de la fiscalité écologique, qui doit cesser d'être renvoyée toujours à plus tard, tant il est urgent d'aider à réorienter l'activité productive vers des modes de production plus propres et plus sobres,
-
une révolution des modes de gouvernance des entreprises permettant une répartition plus juste des richesses,
-
une réflexion sur la production coordonnée avec la réflexion sur la consommation, impliquant la réalité des bassins de vie et de travail, et notamment les enjeux de recyclage et d'économie circulaire,
-
 
la construction massive de logements permettant de diminuer des dépenses contraintes qui grèvent les budgets des ménages et des entreprises, notamment les PME et les PMI…
Élise Lowy, porte-parole nationale d’EELV
Jean-Philippe Magnen, porte-parole national d’EELV