Le
canal des Deux Mers est pour moi hautement symbolique. En plus d’être
un ouvrage remarquable, classé à l’UNESCO, il représente avec la
chaîne des Pyrénées le seul trait d’union de
l’euro-circonscription du Sud-Ouest.
Malheureusement,
son état de délaissement a tout pour inquiéter. Ces derniers
jours, les tronçonneuses n’ont cessé de vrombir : la campagne
d’abattage des platanes est entrée dans une nouvelle phase. Le
temps que les nouvelles espèces plantées arrivent à taille adulte,
le paysage sera profondément métamorphosé, à commencer par son
aspect ombragé. Y a-t-il lieu de s’inquiéter pour le classement
du site ? Pour l’instant, contrairement à Gavarnie, cela ne semble
pas d’actualité. D’autant plus que la DREAL a entrepris un
travail de longue haleine visant le classement des abords du Canal
pour les préserver de l’urbanisation. Si cette campagne paraît
incontournable, il y atout de même de quoi enrager : cela fait près
de vingt ans que les Amis de la Terre alertent sur le Chancre coloré.
Lorsqu’on sait qu’une meilleure gestion de la crise en
Haute-Garonne a permis de préserver des secteurs entiers, on se
plait à imaginer que d’autres scénarios auraient pu être
possibles. Loin d’être anodine, cette replantation n’est pas non
plus sans coût. Etant donné le désengagement de l’Etat, d’aucuns
proposent de se tourner vers les capitaux privés pour récolter les
quelques 200 millions d’euros nécessaires. Après tout, le Canal
du midi, dont la construction a été financée par Pierre Paul
Riquet n a t-il pas été le premier exemple de partenariat
public-privé ? Oui mais ce genre d’alliances se fait rarement sans
contrepartie. Début 2011, la Lyonnaise des Eaux a pris pied à
Castets-en- Dorthe, premier port sur le Canal latéral à son
débouché dans la Garonne. Conséquence : le quai public construit
par VNF pour les bateaux de commerce s’est retrouvé englobé dans
la concession et s’y amarrer est devenu payant. Les professionnels
rencontrent les mêmes problèmes sur les cinq ports concédés à la
Compagnie d’Exploitation des ports, filiale de Véolia. Noublions
pas que la gestion du Canal, un aspect est hautement stratégique :
la maîtrise de l'eau. En la matière un gestionnaire privé n’aura certainement pas les mêmes objectifs qu’une collectivité.
Pour
l’instant, l’Association des 148 communes riveraines, s’est
heureusement prononcée pour une gestion publique des ports.
Profitons
de ces nouveaux défis pour réfléchir à l'avenir de cette voie
d’eau. Pourquoi ne pas lui donner un nouvel élan économique en
revenant à sa vocation première, le transport de marchandises ? VNF
a décidé de se concentrer sur le grand gabarit en cessant
d’investir dans le réseau fluvial dit secondaire, auquel
appartient le Canal des deux Mers. Pourtant, comme c’est le cas
dans le Nord-Ouest de l’Europe maillé par un réseau dense de
petits canaux, les petits gabarits pourraient offrir sur le Canal
latéral de réelles possibilités commerciales. Sur le Canal du
midi, malgré des contraintes plus lourdes, des niches restent à
explorer et les projets ne demandent qu'à éclore. Après un pic
dans les années 1970, c’est au moment du développement du
transport par route que le fret fluvial
a progressivement disparu. Aujourd’hui, sur le Canal des deux Mers,
son coût est souvent supérieur à celui du routier. Mais ce
désavantage compétitif provient des investissements publics
successifs effectués sur le réseau autoroutier : rééquilibrons
les moyens !
Quelques
mesures simples seraient à prendre avec l’automatisation des
écluses, l’envasement du canal, la diminution de l’amplitude
d’ouverture des écluses et la priorité donnée au tourisme, les
temps de navigation augmentent et les capacités de chargement
diminuent sans cesse. Il faut continuer à proposer aux transporteurs
de passagers et de marchandises le service dont ils ont besoin pour
exploiter leurs bateaux au gabarit du Midi. Le développement du fret
fait partie des missions de VNF telles que définies dans le contrat
de performance signé avec l’Etat. Le “fluvial ”, moins
polluant que la route, est de fait un levier important pour infléchir
les émissions de gaz à effet de serre. En la matière, les
engagements européens de la France sont déclinés dans la loi de
2009 dite Grenelle I qui prévoie une croissance de 25ù du fret
(dont le fluvial) d'ici 2022. Or en 2009, les échanges entre le
Languedoc Roussillon, Midi Pyrénées et l’Aquitaine s’élevaient
à environ 9 millions de tonnes de marchandises. Le transfert d’une
partie de ces marchandises vers la voie d’eau contribuerait à
remplir ces objectifs. D’autant plus qu’une péniche au gabarit
du Canal du Midi consomme de 30% à 40 % de carburant en moins qu’un
camion à la tonne transportée. Ce transfert devrait être facilité
par une mesure novatrice qui vient d’être votée au niveau
national. Les coûts environnementaux liés aux émissions de gaz à
effet de serre des poids lourds seront dès le 1er octobre prochain
intégrés dans les coûts de transports via une écotaxe. Un moyen
de prendre en compte les coûts et bénéfices économiques, sociaux
mais aussi environnementaux de chaque type de transport.
En
septembre 2013, le monde du fluvial sera tourné vers Toulouse à
l’occasion du 26ème Congrès mondial des canaux et voies
navigables : n’ayons pas à rougir de notre si beau Canal.
CATHERINE
GRÈZE –
Députée
européenne EELV du Sud-Ouest